Johnny Pigozzi: The inside job

In the late seventies and early eighties, New York night life was divided in separate cliques who would mingle with more or less enthusiasm. The Uptown crowd and the Europeans (unfittingly called Eurotrash) danced at Xenon, (owned by Peppo Vanini, heir to a Panettone maker from Lugano) or Regine’s and Club A. The downtown crowd, cavorted at Danceteria or Area. The optimum mix happened at Studio 54. Born into the former, I wanted nothing to do with my own kind. I was young, gay and had hip artists friends. I felt vastly superior to the heterosexual conformists in their blue blazers and tasseled loafers.

Minox in hand, generous and gregarious, Johnny charmed everyone and was at ease everywhere. Surrounded by the most beautiful girls, he gave the best parties and had the best drugs. As a young man about town, I would regularly bump into Johnny’s big (6 feet4) bulbous bubbly figure.

Atlantic Records Owner, Ahmet Ertegun, a Nawab with a sense of humor, and wife Mica, were the King and Queen of this chic crowd that mixed 5th Avenue bourgeoisie with Rock and Roll irreverence.

Jean-Claude, was born quite rich. A dyslexic with no need to work, he took up photography like a spouseless uncle recording his privileged if seemingly aimless life. Only he, aided by his knowledge and appetite for art, his self deprecating wit, added a distinct sense of fun to the family album. Playfully paparazzo, Johnny’s images are not stolen by an uninvited spectator, they are an insiders gleeful memory of joyful, if debauched, libations.

His insatiable mind and interest in the untested led him to constitute, among other successful ventures, the biggest collection of contemporary African Art, whom he now lends to Museums worldwide. We are grateful, for his humorous subjective eye allows us to peek into an era of foregone sexy insouciance. Johnny Pigozzi: the ultimate raconteur, the last revelrous Mohican.

Johnny Pigozzi Pool Party , Rizzoli, 2016

All images ©Johnny Pigozzi

Pierre “Fatumbi” Verger: le désir de l’autre

En 1957, à la demande de Théodore Monod, Pierre Verger publie “Dieux d’Afrique”, étude “Ethno Documentaire” sur les cultes religieux d’origine Yoruba. Dans ses notes Pierre Verger nous révèle:

“A partir de ce moment là, j’étais perdu pour la photo. En effet j’étais obligé de rédiger et d’essayer de comprendre les choses…Ma vie jusque là était détendue, je ne cherchais pas à analyser ce que je voyais. Je me laissais aller à mes impressions, je passais sur le déclic de mon Rolleiflex de temps en temps. Pas d’explication, les explications ne m’ont jamais intéressé. Ce que je voulais, c’était voir les choses et jouir de la beauté des choses”

C’est donc ce qu’il a fait avant 1957 qui est intéressant, tout ce qui est, non pas le produit d’une commande, mais le fruit d’un esprit libre et curieux.

Pierre Verger naît à Paris en 1902 issu d’une famille de grands bourgeois, il participe à la vie de l’entreprise familiale (imprimeries) et mène dans les années 20 la vie d’un jeune dandy aisé.

L’année 1932 est décisive, il acquiert son premier Rolleiflex, puis au décès de sa mère, décide d’assumer son plus ardent désir, celui de devenir un voyageur solitaire. Depuis la mort de son père et de ses deux frères, sa mère était son dernier parent, une personne qu’il ne voulait nullement blesser par le choix d’une vie errante et anticonformiste.

De Décembre 1932 à Août 1946, ce sont quatorze années consécutives de voyages autour du monde, au cours desquelles Pierre Verger vit presque exclusivement de la photographie. Il négocie la vente de ses images avec des journaux, des agences et des institutions.

Quand Pierre Verger entreprend son premier grand voyage, il traversera lentement d’immenses territoires. Il a pour but Moorea en Polynésie Française, sur les pas de Paul Gauguin dont il admirait le parcours et l’oeuvre.

L’Europe et la Russie des années trente sont sous le joug de régimes totalitaires qui imposent une représentation figée d’elles mêmes. Volonté de puissance et d’ordre, l’architecture même reflète ce désir grandiose de conformisme mortifère. Les premières images de Pierre Verger en sont souvent imprégnées. Construites et composées, habitées par des lignes droites, des angles, des carrés.

Au fur et a mesure qu’il se dirige vers des pays chauds, ces lignes seront brisées par des courbes, des personnages en premier plan, le désordre, la vie.  Au fil des années, ce qui est rond, langoureux et sensuel prendra toute sa place. Magnifique hommage à une habitude hélas oubliée, les impudiques dormeurs de sieste à Bahia seront un beau reflet de ce nouveau vécu.

Une photo est le résultat d’une série de décisions, conscientes ou inconscientes; on choisit un point de vue, un cadrage, une lumière, ce que l’on voit, ce que l’on espère transcrire.

L’objectivité n’y est pour rien, le choix du cadrage qui en soi réduit ce que l’on voit strictement à l’instinct du photographe, peut être encore transformé au moment de l’impression du tirage. Dans la chambre noire on peut encore recadrer, recouper, jouer avec intensité de la lumière et ainsi renforcer ou alléger le propos.

L’invention de la Psychanalyse à la fin du 19ème siècle s’intéresse à expliquer l’idée du conscient et l’inconscient, le moi et le sûr-moi. Toute création est le produit de ce mélange. Equilibré ou déséquilibré, peu importe la raison du doux mélange, le résultat en est l’émanation.

Au 15ème siècle, Cennino Cennini, peintre Florentin, sera le premier à évoquer de manière simple le processus de création. Ainsi, lorsqu’il demande à deux élèves de son atelier de dessiner un cercle sur du papier, il constate que même en s’appliquant du mieux qu’ils peuvent, il est impossible que ces deux cercles soient parfaitement identiques. Cennino Cennini en conclut que la main n’est pas dirigée par l’esprit mais par l’âme.

Pendant quatorze années d’errance, porté par le désir, Pierre Verger va nous inviter à partager son regard pudique sur le monde à la découverte d’émotions qui le transforment. Le reflet d’une âme en paix avec elle même, libre et curieuse, s’intéressant à l’autre, au lointain, elle ira même jusqu’à devenir l’autre.

La fascination de l’Asie; son mélange de rigueur et de débrouille, il se rendra notamment au Japon, en Chine, au Vietnam, au Cambodge et au Laos.

L’appel de l’Afrique; particulièrement le Golfe du Bénin, ses peuples divers, ses croyances et ses rituels dont il sera le témoin privilégié et le principal divulgateur.

La révélation du Brésil enfin, ou son âme trouvera refuge à Salvador da Bahia. “Baie de tous les Saints”, point d’encrage de Pierre Verger de 1946 jusqu’à sa mort cinquante ans plus tard. “Baie de tous les Saints” enivrant et goûteux mélange, parfait reflet de ses désirs. “Baie de tous les Saints” métissage de couleurs, de religions, de musiques, de chaleurs et de chaleur humaine.

 

(Extraits de la conférence que j’ai donné pendant l’exposition: Pierre Verger: Oeuvre Photographique, Musée du Jeu de Paume, Paris, 2005)

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